Explaining the narrowing of the gender gap in lifetime earnings

Expertise
An article by Cecilia García Peñalosa (CNRS/EHESS/AMSE) and co-authors published on the Banque de France website.
December 11th 2023

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Si l’on analyse les revenus du travail entre 25 et 55 ans (lifetime earnings, LTE) pour les personnes entrées sur le marché du travail entre 1967 et 1987, on observe que l’écart entre les genres a diminué au fil du temps aux États-Unis et en France. Toutefois, pour les cohortes les plus jeunes, les LTE des femmes ne représentent toujours que 60% (aux États Unis) à 70 % (en France) des LTE des hommes. Les changements en matière de temps de travail et d’éducation ont joué un rôle essentiel pour expliquer l’évolution de cet écart. 

Ratio femme/homme : revenus du travail entre 25 et 55 ans en France et aux États-Unis

Sources : France : Garbinti et al. (2023), États-Unis : Guvenen et al. (2022)

Note : Ratio entre les LTE médians des femmes et des hommes, pour les cohortes d’entrée successives.

 

La plupart des études sur l’évolution à long terme des inégalités adoptent une approche transversale, c’est-à-dire que ces analyses sont basées sur des indicateurs annuels, et ne rendent pas compte des revenus individuels au cours du cycle de vie (Lifetime earnings ou LTE). Bien que les différences de revenus annuels entre femmes et hommes soient bien documentées dans la littérature, on ne dispose que de très peu d’information sur les écarts femmes-hommes sur l’ensemble de leur vie active. Plusieurs facteurs affectant différemment les revenus annuels des femmes et des hommes sont susceptibles d’affecter également leur LTE, par exemple des différences dans leur taux d’activité, leurs nombres d’heures travaillées, leur taux de chômage ou leur salaire horaire moyen.

Pour traiter cette question, Garbinti et al. (2023) calculent les LTE en France à partir de l’Échantillon démographique permanent (EDP) produit par l’INSEE. Ce large panel sociodémographique inclut des données administratives relatives à l’emploi fournies par les entreprises, et permet de suivre les rémunérations des salariés sur la période 1967-2017. Afin d’atténuer un éventuel biais lié de sélection, l’échantillon est sélectionné de manière à cibler des personnes présentant un lien suffisant avec le marché du travail (c’est-à-dire gagnant au moins un seizième du salaire minimum sur au moins la moitié de la période comprise entre 25 et 55 ans) et encore en vie à 55 ans. Pour chaque personne, le LTE correspond à la moyenne des revenus annuels entre 25 et 55 ans. Cette période de 31 ans, la « vie active », est disponible pour les personnes nées entre 1942 et 1962, la cohorte la plus jeune atteignant 55 ans en 2017. Dans cette analyse, une cohorte est identifiée par l’année de son 25e anniversaire. Le cadre méthodologique suit Guvenen et al. (2022) afin de fournir des comparaisons pertinentes entre les cas français et américain. Cette comparaison avec les États-Unis est particulièrement intéressante dans la mesure où la France se caractérise à la fois par un niveau plus faible d’inégalités transversales (par exemple, Alvaredo et al. (2018)Garbinti et al. (2018) ) et une mobilité du revenu limitée (Aghion et al. (2023)Kramarz et al. (2022)).

L’écart entre genres au cours de la vie active s’est réduit entre les cohortes (graphique 1), en France et aux États-Unis. Par exemple, en France, les revenus des femmes calculés en moyenne entre 25 et 55 ans ont atteint un pic à 70 % de ceux des hommes pour les cohortes 1983 et 1985. Ce ratio est passé de 61 % environ à 70 % entre les cohortes 1967 à 1983, alors qu'aux États-Unis, il a fortement augmenté, passant de 41 % environ à 60 % pour ces mêmes cohortes. Cette réduction de l’écart salarial femme-homme aux États-Unis a été étudié dans le détail par Claudia Goldin, lauréate du prix Nobel 2023 (cf. par exemple Goldin (2014)).
 
Pour toutes les cohortes, les LTE des femmes exprimés en pourcentage de ceux des hommes sont beaucoup plus élevés en France qu’aux États-Unis. La réduction de l'écart entre les genres résulte cependant de dynamiques très différentes entre les deux pays.

Contrairement aux États-Unis, les tendances diffèrent peu entre hommes et femmes en France

Aux États-Unis, la réduction de l'écart entre femmes et hommes reflète des tendances distinctes selon le genre. Le graphique 2 présente la dynamique des LTE pour les États-Unis, avec des pertes importantes pour les hommes (– 10 %) et des gains significatifs pour les femmes (+ 33 %) (Guvenen et al., 2022). Ces dynamiques différentes ont conduit à la forte réduction de l’écart entre genres observée dans le graphique 1. 
 

LTE médians selon la cohorte et le genre aux États-Unis (en dollars constants de 2013)

Source : Guvenen et al. (2022)
Note : Les revenus du travail au long de la vie active (LTE) correspondent à la moyenne des revenus entre 25 et 55 ans. En milliers de dollars de 2013. Axe des abscisses : année d'entrée sur le marché du travail.

 

Contrairement aux États-Unis, en France, les tendances des différentes cohortes présentent une similitude notable entre hommes et femmes (graphique 3). Le LTE médian annualisé est passé de 15 000 euros pour la cohorte 1967 à 16 100 euros pour la cohorte 1987. Les hommes comme les femmes ont enregistré une croissance, de 5 % et 19 % respectivement, sur la période 1967-1983. Ces chiffres sont à comparer à ceux des États-Unis, montrant des pertes pour les hommes (– 10 %) et des gains pour les femmes (+ 33 %) pour les mêmes cohortes (graphique 2). En France, l’essentiel de l’augmentation a concerné les premières cohortes, les plus récentes affichant une tendance stable, à partir de 1973 pour les hommes et entre 1979 et 1985 pour les femmes. 

LTE médian selon la cohorte et le genre en France (en euros constants de 2015)

Note : Les revenus du travail au long de la vie active (LTE) sont définis comme la moyenne de l’ensemble des revenus annuels entre 25 et 55 ans. En milliers d’euros de 2015.
Axe des abscisses : année d'entrée sur le marché du travail.

 

L’éducation et le travail à temps partiel expliquent largement les évolutions des inégalités homme-femme en France

L’augmentation globale des revenus du travail au long de la vie active dans les différentes cohortes est due en partie à l’accroissement du taux d’activité des femmes, en particulier à partir des années 1980. L’analyse économétrique dans Garbinti et al. (2023) montre que différents facteurs, tels que l’éducation, le nombre d’heures travaillées (le nombre d’années de travail à temps partiel ou à temps plein) et le lieu de travail, déterminent dans une large mesure les LTE, des femmes comme des hommes. En particulier, les résultats mettent en évidence une forte baisse du rendement pour tous les diplômes universitaires autres qu’un master (ou un diplômes supérieur) entre les cohortes, pour les deux genres. L’augmentation de l’offre de titulaires d’un Bac+3 au fil des cohortes pourrait avoir entraîné cette baisse de leurs rendements. Un autre élément d’explication parfois avancé pourrait résulter de la massification de l’éducation conduisant à une moindre sélection et donc à une baisse de la « capacité non observée » moyenne des titulaires d’un Bac+3, ce qui impliquerait une baisse des revenus moyens des titulaires de ce diplôme. Ce rôle clé de la baisse des rendements de l’éducation peut être illustré par un simple exercice contrefactuel : si les rendements de l'éducation étaient demeurés à leur niveau de 1967, la croissance des revenus des hommes entre les cohortes 1967 et 1987 aurait été deux fois plus rapide que celle que nous observons effectivement. L’évolution du niveau d’études a également joué un rôle majeur : compte tenu de la baisse du rendement de tous les diplômes universitaires autres qu’un master, si la répartition du niveau d’éducation observée pour la cohorte d’hommes de 1967 était demeurée la même au fil du temps, les LTE auraient diminué au cours de la période au lieu d’augmenter légèrement.

La comparaison des résultats de cette analyse pour les femmes et les hommes permet d’évaluer les principaux facteurs à l’origine de l’évolution de l’écart entre genres en matière de LTE en France. Cette évolution au fil du temps s’explique en grande partie par des évolutions différenciées du temps de travail et, dans une moindre mesure, par un écart dans l’augmentation du niveau d’études. En particulier, la contribution des différences de temps de travail entre femmes et hommes pour expliquer l’écart entre genres a augmenté, passant de 30 % à 60 % au fil du temps.

Au final, la réduction de l'écart femme-homme en France résulte de deux forces qui se compensent. Même si les femmes plus jeunes travaillent davantage d’années que celles qui les ont précédées, elles ont eu tendance à accroître principalement le nombre d’années en emploi à temps partiel, ce qui a contribué à creuser l’écart femme-homme. Entre 25 et 55 ans, le pourcentage d'années travaillées est passé de 82 % pour les cohortes 1967 à 86 % pour les cohortes 1987 pour les hommes, et de 76 % à 82 % pour les femmes. Toutefois, pour les femmes, la proportion d’années travaillées à temps partiel a fortement augmenté, passant de 12 % à 25 %. Dans le même temps, l'éducation a joué un rôle considérable dans la réduction de l'écart femme-homme. Une augmentation rapide du niveau d'études des femmes et une diminution de l'écart entre les rendements de l’éducation pour les femmes et pour les hommes ont été des facteurs essentiels de réduction de l'écart femme-homme en ce qui concerne les revenus moyens au long de la vie active. 
 

→ Cecilia García Peñalosa, CNRS professor, Directrice d’études at EHESS and member of Aix Marseille School of Economics.

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